En tant que chef d’entreprise, la crise du Covid-19 vous frappe sans doute de plein fouet. Difficultés d’approvisionnement, salariés indisponibles, annulations de commandes, vous pourriez être tenté de rompre vos contrats en invoquant la force majeure. Si dans le cas des marchés publics, le gouvernement a confirmé l’application de cette notion juridique, pour les contrats de travail, de nombreuses interrogations demeurent. INO Partner fait le point avec vous. 

La force majeure en droit du travail : qu’est-ce que c’est ?

Voilà un terme juridique sans doute un peu abstrait pour le chef d’entreprise que vous êtes. 

Pour faire simple, en matière de droit du travail, les juges appliquent strictement les conditions de la force majeure, telles que définie par l’article 1218 du code civil. 

Ainsi, est considéré comme un cas de force majeure, un événement : 

  • dont vous n’êtes pas responsable (ni votre salarié),
  • imprévisible, c’est-à-dire suffisamment anormal, soudain et rare au moment de la signature du contrat de travail,
  • et contre lequel vous ne pouvez rien faire.

Dans quel cas peut-on invoquer la force majeure pour rompre un contrat de travail ?

Que dit la jurisprudence ?

Par le passé, les tribunaux ont considéré qu’une liquidation judiciaire ou une interruption d’activité ne justifiait pas la résiliation d’un contrat de travail pour cause de force majeure. 

De la même manière, l’arrêt d’un chantier pour cause de sécheresse ne constitue pas un événement suffisamment imprévisible, justifiant la résiliation des contrats de travail des ouvriers. 

Par ailleurs, le fait d’être en mesure de poursuivre ou reprendre son activité, même après une longue période, ne permet pas de rompre un contrat pour cause de force majeure (par exemple, en cas de fermeture temporaire d’un hôtel partiellement détruit suite à un cyclone).

Bon à savoir :

  • Les épidémies ne sont pas considérées comme des cas de force majeure lorsqu’elles ne sont pas suffisamment graves. 
  • Lorsque l’on dispose de traitements efficaces contre une épidémie, la force majeure ne peut pas être utilisée.  
  • Les épidémies de la grippe et des gastro-entérites sont récurrentes et donc prévisibles. Elles ne peuvent donc pas constituer des cas de force majeure.

En pratique, les tribunaux reconnaissent rarement la force majeure comme cause de résiliation d’un contrat de travail.

Quid du Covid 19 ?

Reprenons les 3 conditions de la force majeure : 

  • La crise du Coronavirus est bien une situation rare, soudaine et anormale. La condition d’imprévisibilité semble donc remplie. Cependant, pensez à vérifier quand le contrat de travail a été signé. Si vous avez engagé votre nouveau commercial le 30 mars 2020, vous ne pourrez pas affirmer que vous ignoriez la crise actuelle.
  • Vous n’êtes évidemment pas responsable de l’apparition du virus et de ses conséquences.
  • Vous ne pouvez a priori rien faire contre le Covid-19 et ses conséquences. Attention cependant, la force majeure ne pourra pas être invoquée si vous avez la possibilité de fournir votre prestation autrement ou de trouver des alternatives pour les tâches de vos salariés. L’un d’entre eux devait donner des formations dans les locaux des entreprises ? Celles-ci peuvent peut-être être réalisées en visioconférence.

Quelles sont les conséquences de la force majeure pour vos contrats ?

Les contrats commerciaux

Si toutes les conditions sont remplies, vous pouvez annuler votre contrat et la prestation qui y est attachée. Par ailleurs, vous n’aurez aucun dédommagement à verser à votre cocontractant. 

 

Deux limites cependant :

  • Vous ne pouvez invoquer la force majeure que pour les obligations concernées par l’événement. D’autres parties de votre contrat pourraient malgré tout être exécutées.
  • Si votre contrat peut être suspendu et reporté à une date ultérieure, vous êtes dans l’obligation de le faire. 

Les contrats de travail

Vous êtes victime d’un incendie qui a totalement détruit votre entreprise ? Si les conditions de la force majeure sont remplies, vous allez pouvoir mettre fin au contrat de votre salarié sans respecter la procédure de licenciement légale. 

 

Vous pouvez alors immédiatement rompre le contrat de travail de votre salariés. Ce dernier percevra néanmoins les indemnisations légales : indemnité de congés payés, de préavis et de licenciement. En cas de contrat à durée déterminée, vous devrez lui verser l’ensemble des sommes qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de son contrat.

Avant de soulever la force majeure, prenez le temps de bien analyser la situation afin de vous assurer que toutes les conditions de la force majeure sont bien remplies. N’oubliez pas que les tribunaux sont peu enclins à reconnaître la force majeure comme étant motif de rupture de contrat de travail. Enfin, un dernier conseil de la part d’INO Partner : pensez à souscrire à une bonne assurance. Même en cas de force majeure, l’annulation de votre contrat peut vous coûter très cher.